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ZEN : Vide et Liberté.

 Aujourd'hui il est courant de parler de ZEN et de YOGA.
         Le ZEN nous vient du JAPON.
          Le YOGA de l'INDE.
         Que l'on trouve certaines analogies, cela est logique : le ZEN et le YOGA appartiennent tous les deux à une sphère de pensée qui, vue depuis l'Occident, peut être englobée dans l'ensemble de l'Extrême-Orient...
         Néanmoins, le ZEN est une voie bien particulière qui ne peut être saisie qu'en elle- même.
         Les premiers mots qui viennent à l'esprit lorsqu'on tente une approche sont :
VIDE et LIBERTÉ.

D'où le titre : LE ZEN : VIDE ET LIBERTÉ.

QU'EST-CE QUE LE ZEN?
Aucune définition possible.

          On devrait d'abord commencer par définir ce qu'est le ZEN ? Or, précisément, ce qui importe, c'est de bien montrer que le ZEN ne peut être expliqué. Chaque mot serait un voile de plus sur la notion de ce que recouvre le ZEN. Le ZEN est, dit-on, inexprimable. Dans la méditation « ZEN » on ne médite sur rien et « RIEN », c'est déjà un mot de trop.
         En effet, rien, n'est-ce pas déjà quelque chose?
         A vrai dire, il n'est que deux sortes de personnes qui seraient peut-être pour nous parler du ZEN :
       -Ce sont d'abord, évidement, les grands maîtres, ceux qu'ils vivent dans sa totalité. Et ceux-là n'en parlent pas. Ils savent trop bien que la seule communication vraie est le SILENCE.
       -Ce sont ensuite les gens tout simples, tout naturellement spontanés, et qui n'ont jamais entendu ce mot. Ils ne connaissent pas, et ne se préoccupent nullement de connaître ce qu'est le ZEN, se contentent tant de le vivre. Eux non plus ne nous parlent pas du ZEN...

          Pour tenter quelque approche de ce sujet, il faut d'abord que nous essayions de faire le vide, et de nous couper de tout ce que nous savons pour l'avoir appris.
         Il nous faudra, du moins pour un moment, cesser d'être des Occidentaux et de vouloir enfermer toutes les notions dans des discours, de vouloir étiqueter toute chose à l'aide de mots. Des mots que nous opposons ensuite les uns aux autres, comme VERITÉ à ERREUR, BLANC à NOIR, BIEN à MAL .. .
          Ils nous faut accepter une autre manière de penser, que nous ne pouvons atteindre que par l'expérience « en une totale liberté intérieure de l'Esprit et sans aucune restriction venue d'autrui ou de quelque chose ».
         Pour essayer d'entrevoir dés maintenant quelque aspect de ce mode de pensée, voici une anecdote: Le grand maître ZEN qui vivait au XIII ème siècle, maître DOGEN, venait de finir de brûler tous ses livres, et dit alors : « Le gâteau de riz, peint sur le mur, ne peut être mangé...», et il redevint un simple moine. Il avait fait table rase; il repartait à zéro,libéré de tout préjugé.
          Que peut- attendre de l'homme en proie aux pièges de son intellect?
          Certains écoles utilisent le procédé du «KOAN » pour bloquer l'intellect. Le « KOAN », c'est une question dont la réponse est impossible. Par exemple, on demande: « Quand on claque les deux mains mains, quel est le bruit d'une seule mains des deux mains ? »
          Le but est ici de faire prendre conscience qu'il n' arien à répondre. Il y a aussi l'histoire de ces deux moine qui se disputent pour un chat et demandent au maître un arbitrage. Celui-ci ne pouvant obtenir des moines une attitude juste, coupe le chat en deux avec sa pelle. Le soir, il raconte cela à un disciple. Ecœuré, celui-ci prend ses affaires et s'en va. Le maître dit : « Ceci est la bonne attitude et si tu avais été là le chat serait encore vivant ». L'attitude spontanée est préférée au jugement. Le ZEN apparaît, en effet, comme l'état de celui qui agit en une réaction spontanée et totale au moment voulu. Un état de présence totale et complète qui produit l'acte qu'il faut au moment où il faut. On en trouve l'illustration dans les arts martiaux. Le judoka qui laisse la riposte partir de lui, non pas pour parer, mais parce qu'il est là et que son geste sort tout seul de lui. Dans le tir à l'arc, comme nous en trouve la description dans le livre d'HERRIGEL, la flèche part presque seule et frappe le but sans que le tireur soit devenu autre chose qu'un instrument de sa propre nature. Ce n,est plus sa force qui a bandé l'arc ou ses yeux qui ont visé, mais son Etre profond qui s'est exprimé « en une totale liberté intérieure de l'esprit, sans aucune restriction venue d'autrui ou de quelque chose ». « Cela a tiré », dit le maître en saluant.

           Ces exemples sont transposables partout et le ZEN concerne tous les domaines. Lorsque c'est l'Etre profond , la nature du « SOI » non aliéné qui s'exprime spontanément et sans détour, il y a le ZEN.
           Dans toute la vie du maître du ZEN, l'acte devient une expression du « cela ». La toile du peintre est d'autant meilleure qu'elle exprime toute sa personnalité: « Cela » a peint, « Cela » a pensé, « Cela » a exprimé « Cela » a produit. La production fait corps avec l'auteur. Elle devient l'auteur manifesté.

           « Cela », nous le trouvons dans le « » du Toïsme ou la Vie avec un grand «V », où c'est en général recouvert par notre moi ordinaire ou ego. Le ZEN est un moyen de libération pour, non pas, prendre conscience seulement de ce  « cela », mais pour le « libérer »,lui rendre une souveraineté réelle et absolue. C'est dans ce sens que le ZEN est ce que les philosophies orientales nomment un « moyen de libération ». Nous avons bien sûr en nous cette vie, mais il faut élaguer ce qui la paralyse et en gêne l'expression. De même il existe dans un bloc de marbre la possibilité d'en voir surgir une statue, mais il faut que l'artiste en taille une partie de sa matière pour permettre à la forme de se manifester dans toute sa pureté. L'homme entièrement libéré est dit avoir atteint le « SATORI », En état de Satori l'homme n'a plus à poser de questions car il a dépassé les notions de bien et de mal. Tout ce qu'il fait découle normalement de lui. Ses actions et ses pensées ne sont plus que des produits qui sortent d'une source parfaite. Ces actes sont donc parfaits en soi car plus rien ne vient interférer entre la source parfaite et l'acte. Le résultat n'est plus faussé ni par une analyse intellectuelle soumise à caution, ni par un désir du but à atteindre, Le but est déjà inclus la cause initiale.

           En YOGA l'état de libéré totalement est nommé le SAMADHI.
           Entre ce SAMADI et le SATORI  il y a une nuance. Le SAMADHI serait plus teinté de passivité et d'extase. Le satori ne contient pas d'idée d'extase il n'est pas contraire de l'action. Cette action doit seulement devenir une naturelle expression. Faire ce qui doit être fait au moment où cela dot être fait, d'une manière naturelle et sans que le désir de la faire soit attaché à sa réussite.
           Voilà peut-être ce qu'on pourrait donner comme idée de définition.

LE ZEN EXERCE UN ATTRAIT SUR L'OCCIDENTAL

          Nous comprendrons peut-être en même temps l'attrait que le ZEN  exerce sur les occidentaux, à tort ou à raison. Il leur plaît par la spontanéité qu'il préconise, et par cette ouverture en dehors de tous les chemins connus.

           Il est inutile ici d'entreprendre en détail une critique de notre civilisation. Il nous suffira de reconnaître, et tout le monde en conviendra que la civilisation occidentale traverse une crise des valeurs. Citons ce passage du livre de Watts sur le Bouddhisme ZEN:
         « La marche de notre pensée et de notre histoire a sérieusement ébranlé les postulats de bon sens sur lesquels reposent nos conventions sociales et nos institutions. Les concepts familiers d'espace, de temps, de vitesse, de nature, de loi naturelle, d'histoire et de transformation sociale, le concept même de personnalité humaine, se sont désagrégés et nous nous trouvons à la dérive, sans point de repère, dans un univers qui s'apparente de plus en plus à naviguer sans boussole dans un océan de relativité nous angoisse quelque peu car nous sommes habitués à des principes et à des lois rigides sur lesquels nous voulons pouvoir nous appuyer pour notre sécurité spirituelle et physique.»
         C'est pourquoi, continue cet auteur, nous sommes attirés vers le ZEN, car c'est une doctrine qui, depuis 1500 ans, se complait dans la vacuité, et il cite ce texte qui le pré ainsi:
          « Au-dessus, sans un toit pour la tête ».
         « Au-dessous, sans un pouce pour les pieds».

          C'est évidement, pour nous, un langage étrange. L'occidental a du mal à pénétrer le ZEN, du fait déjà qu'il l'aborde avec le désir de s'approprier une méthode ou une philosophie pour résoudre ses problèmes . Or, précisément vivre le ZEN c'est dépasser l'existence du problème lui-même, c'est-à-dire ne pas chercher un moyen ou une aide car le ZEN n'est en soi ni une doctrine ni un moyen externe.

 
UNE VOIE BIEN PARTICULIERE A ELLE-MEME

          Il n'est ni une morale ni une règle de vie. Il ne propose rien car il se moque bien de proposer. Rien n'est plus susceptible d'égarer le lecteur sur le vrai fond du problème que les titres d'ouvrages du genre de : « Le ZEN et la spiritualité », « Le ZEN et la Psychanalyse », « Le ZEN et telle ou telle Religion »...car le ZEN n'a cure de la spiritualité, de religion ou de psychanalyse. Le ZEN s'il est Eveil n'est qu'Eveil à l'état de vie, à un état neutre d'où peuvent découler aussi bien l'action de planter un simple clou que celle de philosopher. Présenter le ZEN comme une doctrine de libération n'est valable qu'au sens où l'on entend ce mot comme le font les Bouddhistes, c'est-à-dire se délivrer de sa vision du Monde pour appréhender celui-ci dans sa réalité vraie ( le NIRVANA ).

          Le ZEN vise-t-il à nous procurer le bonheur? Le ZEN est quiétiste, d'une part, en disant : «Vous n'avez pas à vous libérer, vous l'êtes déjà «en-soi »; mais d'autre part est-il quiétiste lorsqu'il prescrit un travail de libération?
          Le travail de Libération et l'Eveil qui en découle sont indispensables: «L'Eveil vient de la pratique; ainsi l'Eveil n'a pas de fin. La pratique vient de l'Eveil; ainsi la pratique n'a pas de début.» a dit le maître DOGEN.
          C'est donc souvent par de aspects extérieurs et des confusions avec les mots liberté,efficacité , réalisme, que le ZEN séduit beaucoup d'occidentaux.

          Le professeur Suzuki nous dit : « le ZEN et extrêmement souple, il s'adapte à toute les philosophies et idéologies, à condition qu'elles ne mettent pas d'obstacles à son enseignement intuitif... On peut le trouver marié aussi bien à l'anarchisme et au fascisme, au communisme et à la démocratie. »

 

UNE TELLE PRESENTATION DU ZEN EST DELICATE.

          Vaut-il mieux tenter de présenter un essai descriptif sur la vie des maîtres du ZEN, sur leurs méthodes? Vaut-il mieux insister sur les aspects intellectuels qui le relient aux philosophies indiennes et chinoises? Il existe pour cela beaucoup de livres . Aussi choisirons-nous de mettre ici un simple essai sur l'esprit du ZEN. Une approche qui ne peut être que bien faible, et extérieure, car on connaît bien la citation:

« Ceux qui parlent ne savent pas.
Ceux qui savent ne parlent pas.
Quand vous faites silence, cela parle.
quand vous parlez, cela se tait.»
APPROCHE DES METHODES ZEN  
LE ZEN PRECONISE LE VIDE PREALABLE

          Cela veut dire que les mots ne peuvent éclairer le sujet et qu'on ne peut le comprendre que le dedans. Il s'agit donc de faire le silence, le vide en soi, non pas un vide de résistance au dehors, mais un vide réceptif, non préparé et sans blocage, discret et non agissant sur notre monde intérieur.

          Un maître de ZEN versait le thé à son disciple et continuait quand la tasse était pleine. Le disciple lui dit:
          « Maître ma tasse est pleine !»
          Le maître posa la théière et dit:
          «Comme cette tasse, vous êtes plein de vos opinions et de vos théories propres. Comment pourrais-je vous faire comprendre le ZEN à moins que vous ne commenciez par vider votre tasse?»
          Le ZEN propose des moyens d'établir cette vacuité préalable et nécessaire. Il faut « lâcher prise ».

          Le docteur Hubert Benoît a comparé notre situation à celle de quelqu'un qui serait dans une chambre, avec la porte ouverte , mais dont la fenêtre serait pourvue de barreaux : « Rien ne m'enferme, que la crispation de mes propres mains, Je l'ai toujours été, et de cela, je me rendrai compte dès que j'aurai lâché prise».

          Essayons maintenant de donner une idée de quelques-uns des moyens préconisés et, en particulier, de la méditation en ZAZEN. Nous essaierons aussi de voir la méthode du KOAN, mais d'une manière très succincte, car elle est très difficile à comprendre et exigerait les lumières d'un Maître...

LE ZAZEN

          Pour ceux que la technique même et les aspects physiques et psychologiques du ZAZEN intéressaient, qu'ils consultent le livre « Le Vrai Zen » de Maître Dechimaru.
          Il y a aussi le livre de Von Durkeim « Le Hara »qui permet une approche intéressante, et constitue une sorte de ZAZEN occidentalisé.

          Apparemment la posture du ZAZEN est le lotus du HATA-YOGA. sur un coussin, pour la faciliter. L'accent est mi sur la posture bien droite de la colonne vertébrale. Cette posture est préconisée aussi bien par l'école« SOTO » que l'école « RINZAI ». Elle se résume à être « assis paisiblement, sans rien faire ». La face tournée vers le mur la posture est poursuivie d'abord en surveillant son maintien, puis l'un avec l'autre. Le corps doit être droit, mais non sans penser du tout, quand on peut le faire. L'idée est de nous mettre en une condition paisible de prise de conscience. Il n'y a pas lieu à chercher une concentration sur un point ou sur une idée. il n'y a pas même l'idée de chercher soi-même, mais seulement d'atteindre une sensation de «non différence entre le soi et l'esprit et les idées». Cet état est une résultante et ne peut exister tant qu'on le cherche. Voici la description qui est donnée dans le livre de Watts :


        « Une grande importance est donnée à la posture physique du ZAZEN. Les moines sont assis sur des coussins durs, jambes croisés et pieds posées sur cuisse, plantes tournées vers le haut. les mains reposent sur le giron, la gauche sur la droite, paumes des mains en l'air, les pouces >restant en contact raide,les yeux maintenus ouverts et le regard dirigé vers un point situé sur le sol à un mètre environ en avant. Le rythme respiratoire doit être lent et régulier, sans effort mais en marquant l'expiration par contraction de l'abdomen et de conférer ainsi une fermeté d'attitude donnant l'impression d'appartenir au sol sur lequel on est assis ».

          On recommande au novice de s'accoutumer au calme en ne faisant rien d'autre que compter sa fréquence respiratoire de un à dix et de recommencer indéfiniment jusqu'à ce qu'il arrive à rester assis sans effort.

          Les moines sont surveillés par des moniteurs. S'ils bougent, ce qui prouve un manque de présence totale à ce qu'ils font, le moniteur s'incline cérémonieusement et les frappe sur les épaules avec un bâton spécial. Cela a pour but de revigorer certains centres nerveux et provoque une chaleur qui monte dans la nuque. Parfois la séance est interrompue par une marche à l'intérieur de la salle.

          Passons sur le rituel qui accompagne l'entrée et la sortie de la séance de Zazen. Les séances peuvent durer plusieurs heures dans les monastères.
          Ce qu'il importe de retenir c'est que le Zazen, en dépit du ritualisme qui l'accompagne, ne doit être assorti d'aucune pensée en vue d'obtenir un progrès.

          Le patriarche Dogen indique :
          « Vous ne devez penser qu'au jour et à l'heure présente...
          Il vous faut oublier le bon et le mauvais de votre nature, la force et la faiblesse de votre pouvoir ».

          d'ailleurs dans le BOUDDHISME ZEN, l'idée même de progrès est absente car la perfection existe déjà en son principe et il s'agit de la libérer et la laisser se manifester. Voici une citation d'un maître ( BANKAI )
          « Vous êtes des Bouddhas dès l'origine, vous n'allez pas être des Bouddhas pour la première fois. Dans votre esprit naturel il n'y a rien d'erroné. Si vous éprouvez le moindre désir d'être meilleur que vous l'êtes effectivement. Si vous aspirez le moins du monde à quoi que ce soit, vous êtes déjà en contradiction avec le Non-Né ».

          Ainsi le Zazen n'a qu'un intérêt, c'est de nous apprendre à être là. Etre là entièrement c'est le principe central du ZEN.
        « Quand je mange, je mange ».
        « quand je dors, je dors ».

          Quand on n'est pas entièrement là, on est en quelque sorte déphasé de sa vraie nature. Pratiquer en désirant s'améliorer, c'est déjà ne pas être dans sa vraie nature puisqu'on désire autre chose de plus.
          Cette vraie nature apparaîtra, si elle doit le faire, de soi-même. Elle s'épanouira quand elle aura pu se libérer de ce qui l'entravait. On ne peut pas obtenir ce résultat en se comparant à un modèle, même si celui est le plus noble. Ce modèle est une perception parvenue par le dehors, il a donc été faussé par les modes de communication qui l'ont conduit jusqu'à nous.

          Et puisqu'on peut s'interroger souvent sur le caractère religieux du ZEN, on peut voir que le problème de DIEU ne peut se poser pour lui selon les termes de croire ou ne pas croire. DIEU ne peut que jaillir du dedans comme un point de dépassement de l'être et du non être. C'est ce que l'on a vu désigner plus haut par « non-né », ce qui veut dire aussi «ETERNEL PRESENT ».

 

LE KOAN

          ( Autre procédé de l'école RINZAI. )

          Le professeur Suzuki qui a présenté le ZEN à l'occident dans plusieurs ouvrages, nous dit que Zazen et Koan sont deux serviteurs du ZEN, le premier en étant le pied et le second en étant l'œil. A vrai dire, le Koan apparaît comme insaisissable et absurde à notre esprit. c'est précisément son caractère. Nous le confondons volontiers à première vue avec des sortes de devinettes ridicules ou de rébus sans valeur. Cela est voulu! Le koan est un moyen pour nous acculer à cesser de raisonner. L'idée est de nous faire saisir par le dedans combien notre intellect est impuissant à tout résoudre, et qu'une solution ne peut venir que du dedans comme un jaillissement spontané. et seulement quand les modes de connaissances classiques et conventionnels, au sens français du terme, on pu enfin être neutralisés, et ne font plus blocage.
          Il y a différentes sortes de Koans qui ont été répertoriés par un maître de l'école de Rinzaï au XVIII ème siècle ( Hakuin, 1685 -1768 ) et qui seraient au nombre de 1700. Il les classe en 6 degrés. L'enseignement en est réparti sur 30 ans, c'est dire que nous ne pouvons qu'effleurer le sujet. Les maîtres de l'école Rinzaï y choisissent ceux qui conviennent à l'élève. L'idée est toujours de pousser l'esprit à la limite du doute et de lui faire saisir la vanité de la connaissance reçue par les moyens ordinaires même dans ses aspects les pus évidents.
          En voici quelques exemples :
          « Avant de naître et de connaître du Bien et du Mal, Dis-moi quel est ton visage? »
          L'élève va sans doute s'efforcer d'imaginer et de s'analyser pour trouver son « visage original ». Mais le maître détruit toutes ses réponses jusqu'à ce qu'enfin l'élève comprenne et avoue qu'il est impossible de fournir une réponse, qu'il sache vraiment qu'il ne sait pas, mais qu'il sache avec ses tripes, pour ainsi dire, et non seulement par le raisonnement.
          Aucune réponse conceptuelle n'est possible. Il y a une limite à la connaissance, il y a un mur infranchissable au pied duquel il faut simplement s'arrêter et se contenter d'être là, tout simplement.
          Et voici un autre Koan particulièrement classique.
          « Pourquoi, demande le moine élève, le Bouddha vint-il de l'Est ? »
          ( Ce point a un sens mystique important dans la doctrine bouddhiste ).
          Le Maître répond simplement :
          « Le cyprès dans la cour! »
          Le moine demande :
          «Est-ce que cet arbre est un symbole ?»
          Le Maître répond :
          « Non, ce n'est pas un symbole! »
          Le moine :
          « Alors, quel est le principe du Bouddhisme ? »
          Le Maître répond :
          « Le cyprès dans la cour ! »

           Le BOUDDHA est mort il y a plus de deux mille ans. On peut avoir de lui qu'une image mental issue de notre imagination ou de l'accumulation des diverses images qui nous ont été transmises par les livres, ou oralement par d'autres. Rien n'est réel dans tout cela, rien ne peut nous faire connaître ce qu'aurait été pour nous le BOUDDHA si nous l'avions devant nous comme le cyprès dans la cour, qui, lui, est existant, présent, réel, vrai…

          Dans cette histoire. le cyprès n'est pas un symbole mais un simple arbre sans caractère  particulier. Ce que le maître veut faire saisir à l'élève, c'est que sa conscience intime peut être éveillée à tout instant et par n'import quoi, fut-ce un simple objet. Une seule condition est qu'on soit réceptif au message. Cet arbre témoigne de la réalité ultime comme d'ailleurs toute autre chose, mais il faut savoir le voir dans sa simplicité et son écran. Il faut être prêt. Cet arbre serait en quelque sorte un catalyseur d'une énergie qui est déjà en nous. Il peut la mobiliser mieux qu'une analyse ou une dissertation sur les raisons doctrinales de la venue du BOUDDHA. Seulement tout cela, le maître ne l'indique pas: Il veut que son disciple le trouve tout seul, et au moment où il conviendra qu' il le trouve. Le Maître asiatique ne cherche pas à aider l'élève, mais au contraire à le gêner, pour accroître sa recherche et fortifier son équilibre. C'est là, à ses yeux , la vraie aide qu'il peut lui apporter. Le premier Koan portait sur le blocage de la perception visuelle mentale; le deuxième sur celui du raisonnement intellectuel pur. En voici à présent un autre, basé sur le sens de l'ouïe:
          En frappant les mains l'une contre l'autre, on produit un bruit. Quel est le bruit produit par une seule des mains? Evidement, Il n'y en a pas. L'idée est comme dans le premier exemple cité ( celui du visage avant de naître ), de faire bien prendre conscience qu'on ne peut tout connaître par la logique et de nous faire sortir du monde de réflexion dualiste. La méthode est la même: bloquer le raisonnement par l'absurde, faire naître le doute et le conduire à son extrême jusqu'à ce qu'on abandonne toute recherche et qu'on se contente simplement d'être.
          L'éducation par la méthode du KOAN, qui n'est pas pratiquée par toutes les écoles de ZEN, arrive à sa conclusion lorsqu'elle a amené le disciple au désengagement total vis-à-vis du Monde et vis-à-vis de lui-même. Il est alors dans un état d'indépendance et de naturel parfait. Mais cette liberté n'est pas destinée à s'opposer à l'ordre conventionnel, elle permet de manifester sa vraie nature de « bouddha », ou si l'on préfère, l'ordre véritable de l'existence.
          Néanmoins, cette méthode du KOAN est une espèce de méthode de choc et un « remède de cheval », pourrions-nous dire. Elle conduit l'élève par le chemin de doute jusqu'aux limites extrêmes. On comprend les risques psychiques d'un tel moyen. Ce ne sont pas des procédés d'amateurs et ils requièrent un maître valable.

         La pratique du KOAN est extrêmement dangereuse pour les occidentaux, chez qui le mental est développé à l'extrême. Pour l'oriental, pour lequel l'intuition essentielle est de restée très proche, il suffit d'amener le mental à prendre conscience de ses limites pour que cette intuition surgisse naturelle: « Cela est ».
          La voie pour l'occidental, au contraire, est d,amener progressivement le mental par le raisonnement discursif « la maïeutique socratique » à constater qu'il n'est qu'un instrument imparfait pour l'appréhension globale de la totalité. Amener brutalement le mental à sa faillite sans apaisé au préalable, risque de conduire à la folie.

 

L'ESPRIT DU ZEN

         Plutôt que de chercher dans le ZEN un « éveil » il vaut mieux pour nous occidentaux, nous contenter d'en apprécier l'esprit et nous contenter des méthodes les moins dangereuses. La chose essentielle qu'il peut nous apporter c'est cet esprit de lâcher prise; cette attitude peut nous aider dans toutes les activité.
          Ce qui le caractérise, c'est avant tout cette absence ce hâte et cette disponibilité totale. Il y a absence de précipitation parce qu'il n'y a rien à atteindre. En occident, toute notre civilisation est basée sur la distinction entre l'esprit et la matière, entre l'âme et le corps. Nous voulons que notre esprit commande et nous parlons de maîtrise de soi, de conquêtes de la Science, d'acquisitions de la Connaissance. Nous voulons nous affirmer, dominer. Nous parlons ainsi parce que nous vivons dans le dualisme. Nous éprouvons constamment le besoin de juger ce qui est bien et ce qui est mal.

         Dans le ZEN, issu du Bouddhisme et le Taoïsme,: le point de vue est totalement différent. Il y a unité avec le dehors et nous avons déjà tout, donc il n'y a rien à acquérir. Il n'y a qu'à retrouver, qu' à laisser sortir. Nous formons un tout avec l'environnement. Pour l'artiste, par exemple, l'encre et le papier ont une part au résultat, au même titre que ses propres mains. Il n'y a pas d'un côté l'homme qui gravit la montagne, et d'un autre côté la montagne, mais l'ensemble formé par la montagne et l'homme qui la gravit. Il n'y a pas « Nous » et le « Monde », mais « Nous vivons le monde ». Nous l'intégrons si complètement que nous en sommes vraiment et totalement responsables, du moins dans cette relation du Monde à Nous et de Nous au Monde. Il ne saurait donc plus y avoir opposition entre les deux, puisque c'est tout un. C'est vivre en cette unité réalisée, qui est l'esprit du ZEN. A ce niveau, il y a paix parfaite et aucune possibilité d'erreur, car nous devenons ce que nous devons être dans l'ordre universel. Ce que nous faisons ne peut être que ce que nous devons faire et ce qui convient.
          Il n'y a pas besoin de juger puisque juger serait séparer et admettre une norme extérieure à nous-mêmes pour y référer. Un Maître ZEN dit :
          «Opposer le Bien et le Mal est une maladie de l'Esprit ».

         Il n'y a pas lieu de chercher la maîtrise de l'esprit car alors on séparerait encore l'esprit en le dissociant de soi. L'esprit voudrait être à la fois lui-même, se faire une idée de lui-même. Or, selon le poème du Zenrin, l'esprit c'est :
          « Comme une épée tranchante qui ne peut se trancher elle-même »
          « Comme un œil qui perçoit mais ne peut se percevoir lui-même ».

          Alors il n'y a qu'un moyen, selon le même poème, c'est de « lâcher prise », de simplement être là. Tout viendra de soi-même comme une conséquence naturelle.
          « Assis paisiblement, le printemps vient et l'herbe croît d'elle-même, sans rien faire ».

         Cette conception nous est difficile car nous ne voulons pas admettre que nous soyons immobiles, impuissants à agir. Nous admettons mal que quelque chose puisse se faire sans nous.
          Et pourtant…

         « Les montagnes bleues sont elles-mêmes des montagnes bleues »

         « Les nuages blancs sont d'eux-mêmes des nuages blancs »

         Nous autres, nous serions assez tentés de parler de résignation, de contemplation, d'abandon, de fatalisme. Cela n'est pas le ZEN.

         Le disciple du ZEN est présent d' manière active, mais il ne confond pas action et agitation.

         « Les oies sauvages ne cherchent pas à se mirer ».

         « L'eau ne pense pas réfléchir leur image ».
         Cela se passe ainsi parce que c'est ainsi. C'est dans cette attitude que se place l'action dans le ZEN.

         Il est là et uniquement là.
         « Quand je mange, je mange ».
         « Quand je dors, je dors ».

 

CONCLUSION

         Le ZEN a pour origine une école bouddhiste l'Inde tournée vers la pratique de la Méditation. Passé en Chine, il s'est coulé tout naturellement dans le cadre du TAOISME et du CONFUCIANISME, celui-ci en étant l'enveloppe sociale et celui-là l'esprit.
         Il devint ainsi, vers le III ème siècle de notre ère, le « CHAN » qui prospéra en Chine jusqu'au XVIII ème siècle.
         Au XII ème siècle' il pénétra au Japon où il s'appela le ZEN.

         Au Japon, il séduisit surtout la caste des Samouraïs, qui en ont fait, dans une parfaite orthodoxie bouddhiste, un moyen d'être à la fois discipliné et libre.
         Cette présence totale et cette spontanéité dans l'acte donne aux disciples du ZEN, une réelle efficacité dans l'action. Une action qui est toujours l'expression de la personnalité complète. C':est l'auteur agissant et non l'acte de l'auteur.
         Le rayonnement du ZEN ne s'arrête pas aux méthodes du Zazen ou des Koans. Nous le retrouvons dans l'art du tir à l'arc. dans les arts martiaux ( Judo, etc.… ) dans la peinture, le cérémonial des fleurs , le cérémonial du thé…
         Toujours l'auteur se manifeste dans l'acte et cet acte est son expression. L'auteur est plutôt que il fait.

         Bien qu'aucun but ne doive y être recherché, cette discipline a eu une influence certaine, et peut-être en trouvons-nous encore une résonance dans l'essor industriel du Japon actuel.
         Mais cette spontanéité, cet épanouissement d'un esprit libéré, ne doit pas être confondu avec fantaisie ou licence. C'est l'aboutissement d'une longue formation.

D'après L'HOMME DU 20ème SIECLE  p::2670 - 2677.

Créé par: Abdelkader GHAMMOUZI      © Copyright 2006-  Tous droits réservés à ELMAJD 

Révisé le: samedi, 07. janvier 2006 22:32:20